Le 23 janvier dernier, lors de la niche parlementaire du groupe socialiste, un texte de loi relatif à l'instauration d'un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé a été adopté.

Qu'est-ce que cela va changer concrètement ? Peut-on s'en réjouir ? Nous vous proposons notre analyse.

Les origines du texte et les exemples anglo-saxons et québécois.

Initié dès les années 1990 aux États-Unis et en Australie, cette politique des ratios soignants/soignés s'est peu à peu étendue à l'Irlande, au Québec et dans certains Länder d'Allemagne.

Ces politiques s'appuient sur des études démontrant l'intérêt d'une présence accrue de soignants au lit des patients. Une des plus récentes disponibles (2021) est celle du Lancet (en anglais) qui démontre la corrélation entre l'augmentation de la présence soignante au lit du patient et la diminution de la mortalité hospitalière.

Fort de ces 35 ans d'expérimentation à l'international, plusieurs études sont venues mesurer les effets sur la qualité des soins, les conditions de travail des soignants et l'impact financier sur le budget de la santé de cette mesure. On peut citer l'étude québécoise du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) sur les effets des législations imposant des ratios minimaux obligatoires de personnel infirmier.

Cependant, il faut rester prudent sur ces études car les législations sont plus ou moins contraignantes en fonction des pays et les systèmes de santé ont aussi leurs particularités. Par exemple, si le terme « soignant » se réfère principalement aux paramédicaux, il recouvre une variété plus ou moins large selon les pays concernés.

Les effets bénéfiques constatés et attendus

Se basant sur l'étude du CIRANO, on observe :

  • Une amélioration de dotation en personnel infirmier. Cette amélioration est d’autant plus prononcée que les exigences sont fortes.
  • Les craintes de substitution des infirmières par des infirmières auxiliaires (ou aides-soignantes), dans la période post-législation, n’ont pas été confirmées.

Effets sur l’expérience au travail du personnel

  • Les études sur l’expérience au travail, peu nombreuses, concordent quant aux effets favorables de la législation (satisfaction accrue, incidence réduite de maladies et blessures). Cependant, les perspectives très optimistes d’un afflux massif d’infirmières attirées par des conditions de travail plus favorables n’ont pas été confirmées.

Effets sur la qualité des soins et la sécurité des patients

  • Les conclusions des études recensées sont mitigées et suggèrent que l’imposition des ratios obligatoires ne suffit pas elle-même à garantir des résultats en matière de qualité des soins et de sécurité des patients. Cela dit, l'augmentation de présence de personnel soignant auprès des patients a un effet mesurable sur la diminution de la morbidité des patients.

Effets sur les coûts

  • La mise en œuvre des ratios minimaux obligatoires dans divers États et territoires a induit des coûts additionnels liés à l’augmentation des salaires et des charges d’exploitation. Cependant, les craintes de scénarios catastrophiques (ex. fermeture massive d’établissements) n’ont pas été confirmées.
  • À long terme, notamment sur les établissements australiens, cette législation a été source d'économie en termes de coûts évités.

Implications pour les politiques

  • L’imposition des ratios obligatoires est une condition utile, mais qui reste insuffisante pour garantir des soins infirmiers de qualité. Au-delà de la dotation, la qualité des soins reste sujette à un large ensemble de facteurs qui touchent notamment à l’environnement des services, à la formation professionnelle, à la place des représentants CGT du personnel dans les décisions ...

Limites et vigilance

Ces études et les expériences dans les États voisins nous permettent de tirer des leçons de cette politique. La plus évidente est que la proportion de soignants doit être adaptée à la charge en soins dans les services. Si ce ratio est sous-estimé, les effets sont au mieux nuls, ou au pire, ils dégradent la qualité des soins.

De plus, cette seule mesure ne suffit pas en elle-même à résoudre les problématiques d'accès aux soins, de conditions de travail et de recrutement du personnel paramédical. Elle doit nécessairement s'accompagner de revalorisations salariales et de réflexions sur une nouvelle gouvernance des lieux de soins.

Le texte de loi en France

Dans ce contexte, que propose le texte de loi ?

Le texte (disponible ici) ne détermine pas en lui-même des ratios. Il laisse cette décision à la main du président de la République (décret) après avis de la Haute Autorité de Santé (HAS).

De plus, lorsque les ratios ne sont pas respectés trois jours de suite, le texte de loi oblige l'établissement à … le signaler à l'ARS !

Propositions

Cette loi n'est qu'un outil. Pour ne pas laisser les gestionnaires en faire un argument pour diminuer le nombre de soignants dans les services, nous devons nous saisir de cette occasion pour revendiquer des conditions de travail et de soins à la hauteur des besoins de la population. Par ce cadre légal donné à l'organisation des services, nous avons la possibilité d'exiger des ratios cohérents avec les besoins et de faire voter des budgets adaptés aux soins.

Comme le suggèrent les études citées, cette approche par ratio n'est qu'une petite partie de la solution.

À la CGT du CHMS, nous revendiquons :

  • Une concertation, service par service, pour déterminer les ratios de soignants/soigné les plus adaptés.
  • La fin de la tarification à l'acte et le passage à une tarification basée sur les besoins présents et futurs de la population pour prévenir les grands enjeux de santé plutôt que de les subir !
  • Une réforme profonde de la gouvernance de l'hôpital public. Pour que les soignants aient leur mot à dire dans la gestion et l'organisation des soins dans leur service et leur hôpital.
  • Le renforcement des prérogatives des élus représentants du personnel (à travers les instances CSE et F3SCT).

Si, toi aussi, tu souhaites te saisir de cette loi pour faire avancer tes conditions de travail, syndique-toi à la CGT du CHMS !

Ce que change le décret du 16 juillet 2024

Le gouvernement vient de publier un décret important pour les assistants de régulation médicale (ARM). Ce texte, qui entre en vigueur le 1er août 2024, apporte des changements significatifs à la carrière de ces professionnels essentiels de notre système de santé.

Les principaux points à retenir

  • Revalorisation de la carrière des ARM titulaires du diplôme d'assistant de régulation médicale
  • Accès direct au deuxième grade du corps des assistants médico-administratifs
  • Nouvelles modalités de promotion au troisième grade
  • Reclassement des ARM déjà en poste

Un accès facilité aux grades supérieurs

Le décret prévoit que les ARM titulaires du diplôme spécifique auront désormais une carrière qui débute directement dans les deuxième et troisième grades de leur corps. Cette mesure reconnaît l'expertise particulière de ces professionnels et ouvre de nouvelles perspectives d'évolution.

De nouvelles conditions de promotion

Les ARM diplômés pourront être promus au troisième grade sous certaines conditions :

  • Justifier d'au moins un an d'ancienneté dans le 6e échelon du deuxième grade
  • Avoir au moins cinq années de services effectifs dans des fonctions d'assistance de régulation médicale

Ces promotions seront limitées à 15% de l'ensemble des promotions dans le troisième grade du corps des assistants médico-administratifs.

Reclassement et correspondance avec grilles indiciaires

Le décret prévoit également un reclassement des ARM déjà en poste et titulaires du diplôme. Voici le tableau de correspondance détaillé :

GRADE D'ORIGINE GRADE D'INTÉGRATION ANCIENNETÉ D'ÉCHELON CONSERVÉE
dans la limite de la durée de l'échelon d'accueil
ECHELON DUREE INDICE MAJORE SALAIRE DE BASE
Assistant médico-administratif de classe supérieure à Assistant médico-administratif de classe exceptionnelle
12e échelon 8e échelon Ancienneté acquise 8 3 ans 539 2 653,38 €
11e échelon 7e échelon Ancienneté acquise 7 3 ans 513 2 525,39 €
10e échelon 6e échelon Ancienneté acquise 6 3 ans 489 2 407,24 €
9e échelon 5e échelon Ancienneté acquise majorée de 12 mois 5 2 ans 470 2 313,71 €
8e échelon 5e échelon 1/4 de l'ancienneté acquise 5 2 ans 470 2 313,71 €
7e échelon 4e échelon Ancienneté acquise 4 2 ans 446 2 195,56 €
6e échelon 3e échelon Ancienneté acquise 3 2 ans 424 2 087,26 €
5e échelon 2e échelon Ancienneté acquise 2 2 ans 409 2 013,42 €
4e échelon 1er échelon Ancienneté acquise majorée de 6 mois 1 1 an 397 1 954,34 €
3e échelon 1er échelon 6 mois d'ancienneté 1 1 an 397 1 954,34 €
2e échelon 1er échelon 3 mois d'ancienneté 1 1 an 397 1 954,34 €
1er échelon 1er échelon Sans ancienneté 1 1 an 397 1 954,34 €
Assistant médico-administratif de classe normale à Assistant médico-administratif de classe supérieure
13e échelon 11e échelon Ancienneté acquise 11 4 ans 509 2 505,70 €
12e échelon 10e échelon Ancienneté acquise 10 3 ans 485 2 387,55 €
11e échelon 9e échelon Ancienneté acquise 9 3 ans 466 2 294,02 €
10e échelon 8e échelon Ancienneté acquise 8 3 ans 457 2 249,71 €
9e échelon 7e échelon Ancienneté acquise 7 3 ans 441 2 170,95 €
8e échelon 6e échelon Ancienneté acquise 6 2 ans 421 2 072,49 €
7e échelon 5e échelon Ancienneté acquise 5 2 ans 406 1 998,65 €
6e échelon 4e échelon Ancienneté acquise 4 2 ans 395 1 944,50 €
5e échelon 3e échelon Ancienneté acquise 3 2 ans 384 1 890,35 €
4e échelon 2e échelon Ancienneté acquise 2 1 an 376 1 855,89 €
3e échelon 1er échelon Ancienneté acquise majorée de 6 mois 1 1 an 376 1 850,97 €
2e échelon 1er échelon 1/4 de l'ancienneté acquise majoré de 3 mois 1 1 an 376 1 850,97 €
1er échelon 1er échelon Sans ancienneté 1 1 an 376 1 850,97 €

Pour plus de détails, n'hésitez pas à consulter le texte intégral du décret sur Légifrance.

C'est une loi qui a été votée en décembre 2023, mais dont le décret vient d'être publié.

À partir du 1er juillet 2024, tous les professionnels de santé relevant du livre III1 et les sages-femmes devront justifier d'un exercice d'au moins deux ans dans un milieu de soins avant de pouvoir prétendre à l'intérim.

Concrètement, cela veut dire que les jeunes diplômés devront justifier d'une expérience de deux ans. Le contrôle de cette obligation revient aux entreprises d'intérim. L'esprit de la loi est d'assurer une expérience professionnelle aux jeunes diplômés et aussi de limiter la fuite des paramédicaux vers le travail temporaire.

Si la première motivation est louable, on peut toujours questionner la position contraignante obligeant les jeunes diplômés à postuler dans les services de santé. On fait ici l'économie de la question de l'attractivité des hôpitaux. Pourquoi remettre en cause les conditions de travail et les salaires si on peut contraindre une partie des soignants à occuper des postes dans les services ?

La CGT revendique un point d'indice à 6€ (actuellement 4,92€), une refonte du temps de travail et un vrai moratoire sur le financement de l'hôpital public afin qu'il se focalise sur ses missions de soins à la population plutôt que sur l'austérité imposée par les ARS !

Sources : Décret du Journal officiel, Liste des pièces justificatives pour prouver l'exercice, Le texte de loi de décembre 2023.

  1. IPA, Infirmier, Masseur-kinésithérapeute, Pédicure-podologue, Ergothérapeute, Psychomotricien, Orthophoniste, Orthoptiste, Manipulateur d'électroradiologie médicale, Technicien de laboratoire médical, Audioprothésiste, Opticien-lunetier, Prothésiste et Orthésiste, Diététicien, Aide-soignant, Auxiliaire de puériculture, Ambulancier, Assistant dentaire ↩︎
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