Dystopie, contre-utopie la fabrique des imaginaires sociaux.

Posté par David FERRERO le 04/10/2024

L’utopie est un genre littéraire ancien. Le mot lui-même est inventé par Thomas More dans les années 1515. Il est formé du préfixe « ou » ou « eu » en grec qui signifie respectivement « pas » ou « heureux » et du suffixe « topos » qui signifie « lieu » en grec. L’utopie est donc un « lieu heureux » ou « lieu parfait » mais aussi un « lieu qui n’existe pas ».

C’est très tôt une méthode pour projeter des fonctionnements sociaux différents, idéalisés. C’est aussi un outil de critique des modèles existants. À noter que toutes les premières utopies, bien avant le XIXe siècles proposent des fonctionnements sociétaux collectivistes et mettent à mal la propriété privée capitaliste.

La dystopie utilise le préfixe « dys » qui signifie « mal » ou malheur » et, de nouveau, le suffixe « topos ». On a donc « lieu de malheur ». La dystopie (aussi appeler contre utopie) utilise la même matrice que l’utopie avec la description d’un monde parfait ou idéal, mais s’attache à en chercher les limites ou à mettre en garde sur les dérives de ces sociétés. L’origine des contre-utopies est intimement liée aux dérives totalitaires des régimes du XXe siècle, notamment le stalinisme. Sou couvert d’un idéal d’égalité, et de justice sociale prôné par le marxisme, les apparatchiks du régime pseudo-communiste de l’URSS ont mis en place un régime autoritaire.

À noter qu’aucune utopie ou contre-utopie ne présente un régime ultralibéral et capitaliste dans son modèle économique d'une société parfaite !

Les vertus de ce genre littéraire, au-delà de la distraction toujours bienvenue, sont l’exploration de modèles sociétaux différents, la projection dans des systèmes économiques inédits et le questionnement de nos fonctionnements actuels.

À travers la description de société présentée comme idéale, on explore aussi la complexité de cet « idéal » et les limites que cela peut engendrer.

Nombre de contre-utopies sont aussi des mises en garde. On peut citer le très célèbre « 1984 » de G. ORWELL. Celui-ci nous alertait déjà en 1949 sur l’hypersurveillance des citoyens et sur le dévoiement des médias pour servir la cause d’une minorité #Bolloré #CNew #BFM #Hanouna.

Contrairement à la science-fiction, qui nous transporte dans des mondes souvent éloignés, tant d'un point de vue technologique que temporel, les dystopies sont généralement plus proches de nous dans le temps et axent leurs innovations davantage sur les relations sociétales que sur la technologie.

Le syndicat CGT du CHMS vous propose une toute petite sélection composée de 5 ouvrages dystopiques :

« Nous Autres » de E. ZAMIATINE 1920

Une des premières dystopies, ce roman à la qualité littéraire indéniable nous offre une vision bienvenue sur la transgression aux règles absurdes.

Dans une société assujettie au bonheur infaillible et obligatoire, alors que la dernière de toutes les révolutions possibles a eu lieu, les Hommes, enfermés sous une cité de verre, sont devenus des Numéros. Ceux-ci paient de leur vie le moindre écart à l'ordre établi contre lequel, malgré tout, une poignée de dissidents va s'insurger. Le personnage principal, D-503, est le constructeur de "l'Intégrale", un vaisseau spatial qui a pour mission : répandre dans l'espace la parole du Bienfaiteur. Il tient un journal à la gloire de ce monde aseptisé. Une rencontre le projettera hors de ces certitudes. Il deviendra le témoin d'une insurrection qui va peu à peu le transformer.

« Le meilleur des mondes » de A. HUXLEY 1931

Un des plus célèbre roman de dystopie. il aborde l'eugénisme, la manipulation dès l'enfance, la béatitude chimique et d'autres thèmes qui trouvent encore aujourd'hui un écho.

Bienvenue au Centre d'Incubation et de Conditionnement de Londres-Central. À gauche, les couveuses où l'homme moderne, artificiellement fécondé, attend de rejoindre une société parfaite. À droite : la salle de conditionnement où chaque enfant subit les stimuli qui plus tard feront son bonheur. Tel fœtus sera Alpha – l'élite – tel autre Epsilon – caste inférieure. Miracle technologique : ici commence un monde parfait, biologiquement programmé pour la stabilité éternelle. La visite est à peine terminée que déjà certains ricanent. Se pourrait-il qu'avant l'avènement de l'État Mondial, l'être humain ait été issu d'un père et d'une mère ? Incroyable, dégoûtant, mais vrai. Dans une réserve du Nouveau-Mexique, un homme Sauvage a échappé au programme. Bientôt, il devra choisir : intégrer cette nouvelle condition humaine ou persister dans sa démence.

« La guerre des Salamandre » de K. CAPEK 1936

Un ouvrage plus discret et aussi dans une veine plus fictionnelle que les autres ouvrages présentés ici. Il explore le thème de l'altérité, du rapport aux autres cultures et des mécanismes de domination.

Lorsque Jan van Toch, capitaine de navire hollandais, découvre, à l’ouest de Sumatra, une espèce de salamandre douée d’une certaine forme d’intelligence et susceptible de l’aider dans l’exploitation des perles, il est loin d’imaginer que cette découverte sera à l’origine d’un bouleversement complet de l’ordre mondial.

« 1984 » de G. ORWELL 1949

Mille fois cité, parfois galvaudé, cet ouvrage prend une résonance terrifiante dans notre société post COVID ou les expérimentations sur la surveillance de masse, la "double pensée" et la novlangue, sont devenues une réalité.

Année 1984 en Océanie. 1984 ? C'est en tout cas ce qu'il semble à Winston, qui ne saurait toutefois en jurer. Le passé a été oblitéré et réinventé, et les événements les plus récents sont susceptibles d'être modifiés. Winston est lui-même chargé de récrire les archives qui contredisent le présent et les promesses de Big Brother. Grâce à une technologie de pointe, ce dernier sait tout, voit tout. Il n'est pas une âme dont il ne puisse connaître les pensées. On ne peut se fier à personne et les enfants sont encore les meilleurs espions qui soient. Liberté est Servitude. Ignorance est Puissance. Telles sont les devises du régime de Big Brother. La plupart des Océaniens n'y voient guère à redire, surtout les plus jeunes qui n'ont pas connu l'époque de leurs grands-parents et le sens initial du mot "libre". Winston refuse cependant de perdre espoir. Il entame une liaison secrète et hautement dangereuse avec l'insoumise Julia et tous deux vont tenter d'intégrer la Fraternité, une organisation ayant pour but de renverser Big Brother. Mais celui-ci veille.

« Fahrenheit 451 » de R. BRADBURY 1953

Dans ce roman dérangeant, écrit après la seconde guerre mondiale et l'horreur du nazisme, en pleine guerre froide, l'auteur explore les thèmes de la censure et du contrôle de l'information des médias.

Dans une société futuriste, les pompiers n'éteignent plus les incendies, mais sont chargés de brûler livres et bibliothèques. Un jour, l'un d'entre eux, Guy Montag, découvre le plaisir de la lecture, et entre ainsi en résistance.

D’autres œuvres (beaucoup plus anciennes ou, beaucoup plus récentes) en lien avec notre thème :

  • « L’Utopie » de T. MORE 1516

    L'ouvrage d'origine, qui déroute par ses idées socialistes (dans le sens noble du terme, pas dans la référence à F. HOLLANDE...), nous offre une expression unique des prémices des idées des lumières.

  • « La cité du soleil » de T. CAMPANELLA 1602

    Presque 100 ans après l'Utopie, ce moine Italien s'essaye à l'exercice de la critique de son époque à travers un dialogue entre un de ses contemporain et un aventurier qui aurait trouvé un pays merveilleux baigné de soleil.

  •  « L’orange mécanique » de A. BURGESS 1962

    Mondialement connu grâce au film de S. KUBRIK, ce roman sombre s'apparente plus à une critique acerbe de nos sociétés qu'à une contre-utopie. Il trouve pourtant sa place dans le questionnement politique de la gestion de la violence dans la société.

  • « Soleil vert » de H. HARRISON 1966

    Sur le thème de la gestion des personnes âgés dans un contexte de rationnement des ressources, ce roman policier très sombre pousse l'âgisme dans ces dernières limites. Adapté en 1973 au cinéma dans une version légèrement différente.

  • « La servante écarlate » de M. ATWOOD 1985

    Adapté en série, cette œuvre glaçante explore le thème de l'égalité entre les femmes et les hommes, la procréation et, évidement, le contrôle des corps et des esprits.

  • « Hunger Games » de S. COLLINS 2008

    Popularisé par son adaptation en film, cet ouvrage cherche à pousser l'idéologie du sacrifice et de la résilience dans sa version la plus extrême.
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