La Cour des Comptes (CC) est une institution ancienne, formalisée en 1808 par Napoléon Bonaparte. Aujourd'hui composée de magistrats immuables sous le régime de la fonction publique d'État, elle est présidée par Pierre Moscovici, ancien ministre des Finances de François Hollande et membre du parti centriste de droite, le PS. Limitée par le cadre politico-institutionnel, la Cour des Comptes ne remet ni en cause le modèle socio-économique ni les féodalités financières en France.
Récemment, la Cour des Comptes a publié un rapport détaillant le plan de financement de la sécurité sociale et proposant des solutions aux difficultés identifiées. Le rapport a gagné une visibilité particulière grâce à la couverture médiatique de ses propositions controversées, telles que la fin du remboursement des arrêts-maladie de moins de 8 jours et le passage de 3 à 7 jours de carence.
Cependant, au-delà de la polémique, d'autres propositions n'ont pas bénéficié du même éclairage, malgré leur impact potentiel positif pour les travailleurs.
La Cour des Comptes rappelle le déficit de 10,8 milliards d'euros, en particulier celui de la branche maladie. Elle note que l'augmentation des recettes est partiellement due à l'augmentation de la masse salariale et des salaires. Contrairement aux affirmations du gouvernement, la réduction du déficit de la branche vieillesse n'est pas attribuable à la réforme des retraites.
En 2023, l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (Ondam) a été révisé deux fois pour intégrer les mesures salariales et combler les déficits des établissements. Sans surprise, la Cour des Comptes constate que la situation financière des hôpitaux publics et des EHPAD est préoccupante. Elle met en avant l'importance de prévoir l'augmentation des besoins en santé résultant du vieillissement de la population et de l'augmentation des maladies chroniques. La Cour des Comptes trouve regrettable que la Loi de Programmation des Finances Publiques, la stratégie nationale de santé et la nouvelle génération des projets régionaux de santé (pilotés par les ARS) n'aient pas été une occasion de concertation globale des acteurs pour plus de cohérence dans les politiques publiques de la santé.
Suivant son rôle, la Cour des Comptes propose donc des pistes de réforme et d'amélioration pour réduire le déficit de la sécurité sociale. Parmi ces pistes, la Cour identifie le grand manque à gagner lié aux exonérations des cotisations sociales mises en place par le gouvernement actuel. Il y a évidemment la fausse piste de réduction de l'indemnisation des arrêts de travail, mais il y a aussi une proposition beaucoup plus pertinente et beaucoup moins médiatisée : le contrôle et la réduction des dépenses liées aux traitements anticancéreux. Aujourd'hui, grâce à un bricolage, les comptes de la sécurité sociale sont "open bar" pour les laboratoires pharmaceutiques qui fixent leurs prix comme ils l'entendent, sans regard des pouvoirs publics.
Concernant la proposition sur les arrêts de travail, si évidemment la CGT ne peut pas accepter une telle proposition, nous pouvons cependant noter que dans leur analyse, les magistrats de la Cour des Comptes identifient une augmentation des arrêts-maladie. La Cour attribue cette augmentation au vieillissement de la population active et à l'augmentation des arrêts pour motifs psychologiques. À la CGT, nous regrettons que ces constats ne soient pas l'occasion de dénoncer une fois de plus la folie de cette réforme des retraites qui prolonge encore l'exposition des travailleurs à des conditions de plus en plus difficiles. Nous regrettons aussi que l'augmentation de la détresse psychologique des travailleurs ne soit pas un sujet majeur du débat plutôt que la durée d'indemnisation.
À noter aussi que, comme cela ne semble pas une évidence pour nos responsables politiques, la Cour des Comptes conditionne la modification des indemnisations d'arrêts-maladie à une concertation avec les "partenaires" sociaux.
La deuxième proposition d'économie que propose la Cour des Comptes est à nos yeux beaucoup plus pertinente. En résumé, l'idée est de mettre des limites à la rapacité des laboratoires pharmaceutiques qui profitent sans honte de la solidarité nationale pour s'enrichir. À ce jour, et devant l'évolution rapide des traitements anticancéreux, les moyens d'évaluation de l'efficacité et des coûts des traitements sont devenus trop lents pour permettre un accès rapide aux patients. Afin de rendre tout de même possible leur usage, l'ARS a contourné les règles en place. Ce faisant, l'ARS a laissé la liberté aux laboratoires de fixer le prix des médicaments, sur la base de leurs propres études! Et on voit tout de suite le danger de cette pratique. La Cour des Comptes amène donc plusieurs propositions afin de maintenir l'accès rapide aux patients des traitements qui semblent prometteurs tout en gardant la main sur la tarification, avec une possibilité de renégocier les prix à la baisse des traitements qui, à l'usage, ne seraient pas aussi efficaces. La Cour propose aussi d'établir des outils de mesure pilotés par les pouvoirs publics et financés par les laboratoires.
Dans les dépenses publiques, la Cour des Comptes identifie une problématique de recours massif aux médecins contractualisés dans les hôpitaux publics pour assurer la permanence des soins. Ces contrats mettent en distorsion les rémunérations et les conditions de travail des médecins entre eux. La Cour propose de trouver une utilité aux ARS en les chargeant de réguler cet usage et éventuellement de travailler sur l'attractivité des professions médicales.
Dans sa dernière analyse et recommandation, la Cour des Comptes dénonce la folie du "virage ambulatoire" qui a rapidement atteint ses limites et la problématique de fermeture de lits qui en découle. La Cour réitère son constat que le vieillissement de la population pèse de plus en plus sur le système de santé. Chiffres à l'appui, elle dénonce l'incohérence entre les politiques de diminution de l'hospitalisation et les besoins en soins de la population âgée. La Cour identifie l'action du gouvernement et les politiques "volontaristes" comme étant à l'origine de la situation. Elle cible directement le déni du ministère de la Santé sur le phénomène de fuite des soignants depuis 2020 et l'invite à mettre en place de réels outils de mesure, notamment sur la "charge de travail".
La CGT regrette que les médias aient choisi la facilité d'une polémique sur la proposition discutable de réduction d'indemnisation des arrêts de travail plutôt que de mettre en lumière les dérives des grands groupes pharmaceutiques ou l'incompétence des pouvoirs publics à corriger le virage ambulatoire qui nous a menés dans le mur. La CGT revendique un service public de santé taillé à la mesure des besoins de la population, résolument tourné vers des soins de qualité et libéré des manœuvres d'austérité masquant la volonté de démanteler la solidarité nationale.
Les documents originaux : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/securite-sociale-2024