La dissolution de L’ONI, une évidence après 20 ans d’échec.
Historique
L’Ordre National Infirmier (ONI) est créé en 2006 par la Loi n° 2006-1668 du 21 décembre 2006. Son origine est l’aboutissement d’un lobbying de certains syndicats corporatistes des Infirmiers Diplômés d’Etat Liberal (IDEL). En Effet, les motivations et les objectifs initiaux étaient particulièrement centrés sur la nécessité d’une meilleure représentation et régulation des enjeux pour les professionnels libéraux. A l’issue des état généraux portés par les syndicats corporatistes des IDEL (FNI, ONSIL, SNIIL, Convergence Infirmières) T. AMOUROUX du SNPI revendiquait « nous voulons un Ordre Infirmier, non pour sa valeur disciplinaire, mais pour permettre la cohésion des infirmières et défendre la qualité des prestations qu’elles délivrent au public. Nous ne supportons plus de voir des technocrates décider pour les infirmières ce qui est bien pour elles. Dans le cadre d’une structure nationale, c’est aux infirmières de gérer l’ensemble de leur exercice professionnel ».
Dès la création, l’ONI trahit l’esprit ayant conduit à sa création. Obligatoire dès l’origine, l’Ordre devient l’exécutant de tâches dévolues précédemment à l’ARS. Mis sous la responsabilité de l’HAS, l’ONI n’a ni l’indépendance ni la légitimité pour « défendre l’honneur » de la profession. Très orienté sur le versant disciplinaire, l’Ordre s’impose comme le modèle d’une volonté de contrôle et de régulation de la profession par une minorité gestionnaire loin des préoccupations du quotidien des soignants. Sans oublier que cette obligation est perçue par l’immense majorité des soignants comme injuste.
Porté par les syndicats du libéral, l’ordre affirme son rôle dans cette branche mais ne trouve ni légitimité ni résonnance chez les professionnels salariés qui constituent pourtant l’écrasante majorité de la profession.
L’inscription obligatoire à un registre n’est pas une nouveauté et existait sous la forme des listes ADELI. Ces listes étaient tenues par les préfectures puis par les ARS sur des fonds publics. La modification est surtout financière, cette inscription en préfecture gratuite devient l’occasion pour l’ordre de percevoir des subsides. La profession infirmière qui a subi également une dégradation de son niveau de vie par le gel du point d’indice pour les fonctionnaires, et par le peu d’évolution des tarifs du libéral se voie imposer une cotisation supplémentaire pour avoir le droit d’exercer.
Dans ces conditions, l’opposition à l’ordre a été particulièrement vive dès ses débuts. Les syndicats nationaux, les représentants des IDE de la fonction publique, des relais politiques critiquent la constitution de l’Ordre. Dès 2010, R. BACHELOT, alors ministre de la santé, a apporté son soutien à l’idée de réserver l'obligation d'adhérer à l'Ordre aux seules infirmières libérales.
Malgré l’obligation législative de l’inscription à l’Ordre, il n’avait pas réussi à convaincre de son utilité puisque selon la ministre en 2011, seulement 10 % des infirmiers français sont inscrits ! Le modèle financier de l’Ordre lié à une gestion déplorable mène à une déclaration de cessation de payement. Les comptes sont purgés et l’Ordre rétablit l’équilibre fin 2017. Mais durant toute cette période l’Ordre ne remplis aucune de ses missions.
En 2015, presque 10 ans après sa création, devant le constat de l’inefficacité et de l’illégitimité de l’Ordre, le parlement adopte un amendement le supprimant. Le Gouvernement par la voix de M. TOURAINE fait échouer cet amendement.
En 2016 le code de déontologie est édité sous forme de décret. Dix ans après sa création, l’ONI répond enfin à une des missions qui lui a été confié.
Etat des lieux actuels
En 2020, la cour des comptes se penche sur l’ONI. Le constat est sans appel : le modèle financier est toujours fragile, les missions confiées à l’ONI sont en majorité toujours en attente de réalisation. La crise de légitimité, particulièrement chez les Infirmiers Diplômés d’Etat (IDE) salarié du publique est toujours d’actualité. Seul 52% des infirmiers sont inscrit en 2020.
Sur le versant disciplinaire, l’Ordre, qui a réussi à fédéré l’immense majorité des IDEL (96% en 2021), remplis en partie son rôle de régulation, de recours et d’archivage des contentieux pour cette population des soignants. Pour les infirmiers salariés, la notion de double peine (sanction disciplinaire de l’employeur + sanction disciplinaire de l’ordre) ne passe toujours pas.
Début de 2024, le magazine Marianne révélait un climat toxique dans l’ONI et mettait en lumière des méthodes violentes et délétères dans la gestion. Des accusations de malversation financière font jour à cette occasion. Dans le rapport des instances de l’ordre vis-à-vis des IDE, ces méthodes s’expriment par un harcèlement particulièrement violent des IDE non-inscrits, des menaces, un autoritarisme d’un autre âge. Chez une population de professionnels particulièrement fragilisée par la crise sanitaire, et précarisée par l’austérité budgétaire, l’attitude de l’ONI est particulièrement mal venue.
Au sein même de l’ordre, une crise de vocation est bien ancrée. Depuis la création de l’ordre, à chaque élection de ses représentants de nombreux mandats restent vacants faute de candidats.
Lors des élections de 2024 qui renouvellent les représentant de l’ONI, seulement 1% des IDE inscrits ont exprimé leur vote !
Au niveau national, leur légitimité en tant que représentants de la profession n’existe pas. Lors des négociations Ségur, l’ONI n’avait pas été invité en premier intention… Les revendications portées par l’Ordre ne correspondent pas aux aspirations des professionnels. Même les syndicats corporatistes à l’initiative de sa création se déclarent déçus. En 2023 les IDEL, majoritaire dans les inscrits à l’ordre, préfère se tourner vers leurs syndicats pour interpeler le gouvernement sur leurs revendications.
Après presque 20 ans d’existence, l’Ordre National Infirmier n’a toujours pas réussi à convaincre la majorité des professionnels salariés. Il a extorqué aux IDEL ses cotisations sans pour autant porter leurs revendications au gouvernement. Et après de multiples scandale financiers et managériaux l’ONI ne remplit toujours pas les missions qui lui ont été confiés par l’état.
Missions de l’ONI
Les missions dévolues à l'Ordre sont prévues par la loi du 21 décembre 2006. Elles sont notamment les suivantes :
- Veiller au maintien des principes d'éthique, de moralité, de probité et de compétences indispensables à l'exercice de la profession ; en inscrivant ses membres à son tableau, l'Ordre s'assure de la moralité, de l'indépendance et de la compétence de chacun, dans l'intérêt de la profession et des patients.
L’avis CGT CHMS : Toujours des difficultés a susciter l’adhésion malgré des mesures plus que contraignantes « seuls 52 % des infirmiers étaient inscrits au tableau en décembre 2020 » selon la cour des comptes. A ce jour, Environ 130 000 infirmiers ne sont toujours pas inscrits au tableau de l’ONI en 2024. Quels moyens réels se donnent l’ONI pour assurer cette garantie de moralité ?
- Il peut organiser toutes œuvres d'entraide et de retraite au bénéfice de ses membres et de leurs ayants droit.
L’avis CGT CHMS : la gestion financière problématique de l’Ordre n’a jamais permis d’utiliser les fonds pour des œuvres d’entraides rajoutant à l’injustice de ces prélèvements.
- Il étudie les questions ou projets qui lui sont soumis par le ministre chargé de la santé, concernant l'exercice de la profession. Pour ce faire, il peut consulter les associations professionnelles, les syndicats, les associations d'étudiants en soins infirmiers et toute association agréée d'usagers du système de santé.
L’avis CGT CHMS : Même pour le gouvernement, la légitimité de l’Ordre n’est pas évidente… Au moment des négociations Ségur l’ONI a dû se signaler pour être invité à la table des négociations. Récemment, les syndicats IDEL se sont déclarés très déçus par l’absence de l’Ordre sur les sujets qu’ils estimaient essentiels et qui ont mené à plusieurs mouvements sociaux.
- En coordination avec la Haute autorité de santé, il participe à la diffusion des règles de bonnes pratiques en soins infirmiers auprès des professionnels et organise l'évaluation de ces pratiques.
L’avis CGT CHMS : A ce jour, aucun outil d’évaluation n’existe, 18 ans après la création de l’ONI.
- Il participe au suivi de la démographie de la profession d'infirmier, à la production de données statistiques homogènes et étudie l'évolution prospective des effectifs de la profession au regard des besoins de santé.
Commentaire : la cour des comptes pointe l’absence de ces critères en 2020.
- Élaborer un code de déontologie, tenir le tableau des infirmiers et assurer le suivi de la démographie de la profession.
L’avis CGT CHMS : Si le code existe depuis 2016, le suivit démographique reste problématique et pose problème notamment dans la réforme de la profession IDE, dans le dimensionnement des Instituts de Formation en Soins Infirmiers (IFSI), dans les études pour lutter contre les déserts médicaux…
- Diffuser les règles de bonnes pratiques en soins infirmier et être consulté sur les textes législatifs et réglementaires concernant la profession ;
- Défendre la profession ou les professionnels et assurer une conciliation en cas de litiges.
L’avis CGT CHMS : Vivement critiqué par les IDEL et les IDE de la FPH sur la défense inexistante de la profession. L’ONI est souvent déclaré déconnecté de la réalité de terrain. Le double visage disciplinaire / conciliation n’a jamais trouvé d’écho dans la fonction publique hospitalière ni chez les professionnels, ni chez les employeurs. Chez les IDEL, le rôle de régulateur prend son sens, mais la représentativité et le rôle de promoteur de la profession n’est pas au rendez-vous.
Revendication CGT CHMS
Face à ce constat, quelle légitimité à cette institution archaïque ? Il est nécessaire de modifier drastiquement les périmètres d’action de l’ONI, de remettre au centre son rôle de régulateur pour les IDEL au niveau disciplinaire et de libéré les IDE fonctionnaire de son ingérence. L’ONI est une demande corporatiste d’une petite partie des professionnels, il n’a ni la légitimité ni la reconnaissance des professionnels justifiant son obligation.
Dissolution la seule solution ! Et après ? Dans son rapport sur la création d’office des professions paramédicales le député P. NAUCHE proposait la piste d’un office des professions paramédicales national pour remplir les rôles de statisticien de ces professions, de suivi de carrière pour les libéraux, de centralisation des donnés. L’inscription à un registre national est une nécessité mais ne doit pas faire l’objet d’une taxe supplémentaire. Cela doit revenir à l’HAS.
Au sein des établissement publics comme privés, la défense des salariés (donc des infirmiers) et de leurs conditions de travail est assurée par des représentant du personnel élu lors des élections professionnelles. Issue des effectifs, en prise direct avec les problématiques du terrain, en relation avec les directions, ayant un écho national, ils sont bien plus légitimes pour porter la voix des soignant. Et surtout, leur orientation pluriprofessionnelle est en bien plus en lien avec les pratiques professionnel des soignants que la vision corporatiste sectaire portée par l’ONI.
Biblio
Article de Marianne de 2024
Pour aller plus loin et Sources
https://www.infirmiers.com/profession-ide/ordre-infirmier/non-inscription-lordre-gare-aux-sanctions
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre_national_des_infirmiers#cite_ref-35
Ordre Infirmier | Syndicats CGT de l'AP-HM (reference-syndicale.fr)
Riposte contre l’Ordre Infirmier | Syndicats CGT de l'AP-HM (reference-syndicale.fr)
https://www.ccomptes.fr/fr/publications/lordre-des-infirmiers
Lexique
IDE : Infirmier Diplômé d’Etat
IDEL : Infirmier Diplômé d’Etat Libéral
ONI : Ordre National Infirmier
ARS : Agence Régional de Santé
HAS : Haute Autorité de Santé